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La chouette hulotte, Strix aluco.


Une soirée d'automne en forêt avec sa fraîcheur, son humidité, ses ombres fantomatiques, l'odeur de l'humus vous saisissant les narines, le bruit lointain d'un cours d'eau ruisselant au fond d'un discret vallon, quelques tintements de cloches signalant la proximité d'un pâturage, une lune jouant à cache-cache avec de lourds nuages porteurs d'averse imminente, quelques craquements de branches signalant peut-être la présence d'un mammifère sauvage: cette alchimie saisonnière génère en moi une source de bien être qui ne saurait être interrompue qu'avec la naissance de l'aube. J'avance à pas prudent, une lampe torche à la main, mon appareil photo prêt à être utilisé, je glisse sur quelques souches moussues et parsemées de champignons saprophytes, m'encouble parfois dans un enchevêtrement de ronces et surtout, je retiens mon souffle lorsque j'observe le sous-bois recouvert de feuilles de hêtre car une salamandre pourrait se retrouver là, dressée sur ses pattes avant guettant la moindre proie.
Ces promenades nocturnes que je m'accorde au printemps comme à l'automne sont très souvent accompagnées d'un stimulus sonore surprenant de puissance, tantôt très proche, tantôt lointain; ce cri, ce chant, cet appel sauvage résonne au delà des abris forestiers, se répercute contre les obstacles naturels et fini délicieusement sa trajectoire contre mon tympan.
Ne l'aurais-je pas encore identifié? Si, de toute évidence, c'est le chant de la chouette hulotte, baptisée aussi chat-huant car la disposition de son plumage facial ferait penser aux oreilles d'un chat. Strix aluco est son nom scientifique, particulier je vous l'accorde, comme tous les oiseaux de proie ou rapaces nocturnes de la famille des Strigidae.
La chouette hulotte est la plus répandue de nos chouettes et se distingue des hiboux par l'absence d'aigrettes, plumes de la tête érigées en forme "d'oreilles". Son chant se fait entendre surtout en automne et jusqu'au début du printemps. Son habitat est d'origine forestier mais elle s'est progressivement habituée à coloniser les jardins pourvus de vieux arbres fruitiers et même les agglomérations tant qu'elle trouve de quoi faire son nid dans le creux d'un gros arbre, dans le trou d'un mur, entre des rochers, un nichoir de grande taille ou parfois même dans un terrier de lapin. Pendant que j'y suis, je vais vous dire quelques mots sur la nidification de cette espèce: la femelle (bien sûr!) pond entre 2 et 4 œufs blancs déposés au fond du lieu choisi sans préparation aucune et ce, en mars ou avril, parfois plus tôt. Cette bonne mère s'occupe de ses rejetons durant les 6 semaines qui suivent l'éclosion. Le mâle ravitaille son "épouse" durant le mois que dure l'incubation des œufs.
La pitance des hulottes, redoutables prédateurs nocturnes, est constituée d'un menu gastronomique de choix, faisant le tri dans nos jardins de ce qui peut être nuisible ou non; en effet, elle chasse principalement des petits rongeurs tels les mulots, les souris, les campagnols et les musaraignes (aïe, utiles elles aussi)...mais également les vers de terre, gastéropodes et autres invertébrés indésirables pour le potager ou encore quelques batraciens (là je vais me fâcher...) et, pour finir, quelques petits oiseaux ou plus rarement des chauves-souris. Régime hyper protéiné assuré! Comme tous les rapaces nocturnes, vous pourrez détecter éventuellement sa présence par l'observation de pelotes de réjection contenant les restants osseux de leurs victimes: la pelote ressemble à une sorte de crotte sèche d'environ 5 centimètres de long dans laquelle se trouvent les fragments de squelette facilement identifiables de ses proies ainsi que son pelage si il s'agit d'un rongeur. Un autre indice est la présence bruyante de corneilles indiquant sa présence en tournoyant et croassant autour de son refuge diurne. La chasse de la hulotte s'étend du coucher du soleil jusqu'aux premières lueurs de l'aube.
Notre dame de la nuit, même si elle ne fait pas partie des plus élégantes, se trouve pourvue d'un certain charme lorsqu'elle se fait menaçante: sa posture d'intimidation rarement utilisée pour nous pauvres humains, lui confère un air de diablesse en furie. Elle écarte ses ailes et les dirige vers le bas tout en déployant un maximum de plumage, gonfle sa poitrine et son regard fixe en devient presque insupportable pour qui ne la connaît point.
La chouette hulotte est plus abondante en moyenne montagne qu’en plaine dans tout le département de la Haute-Savoie. Elle est d'ailleurs répandue dans l'ensemble de l'Europe centrale.
Ce rapace nocturne, comme la plupart de ses congénères, est capable d'offrir à sa tête une rotation d'environ 270°! Essayez d'en faire autant et vous me direz qui de l'oiseau ou de l'homme est le plus handicapé ou lequel manque particulièrement de souplesse. Bon, vous ne m'apprendrez pas qu'à chacun appartient une certaine spécificité et la chouette possède un nombre de vertèbres cervicales supérieur à l'homme ce qui rend possible cette souplesse rotative. Le sens le plus développé semble être l'ouïe contrairement à d'autres rapaces chez qui la vue est le sens prédominant. L'utilité de la disposition de son plumage sur son "visage" permet de canaliser les sons perçus vers son oreille. Les plumes de ce strigidé sont structurées comme celles de ses congénères, c'est à dire d'offrir le moins de résistance à l'air et par cela, devenir extrêmement silencieuse en vol pour mieux surprendre ses proies.
Il est parfois possible, mais cela reste exceptionnel, de pouvoir l'observer en plein jour perchée sur son dortoir situé en général en haut d'un feuillu. Cet oiseau est sédentaire et occupe son territoire plusieurs dizaines d'années durant. Sur mon lieu de travail, je sais exactement où la voir et ce, depuis des années: elle se réfugie juste au-dessous de la cime d'un hêtre pleureur et me regarde passer de son air dédaigneux et nonchalant quoique toutefois prudent.
Hulotte, où que tu sois, je respecte ta présence et ton utilité inscrite au sein d'une biodiversité haletante.


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Strix aluco: repos en haut d'un chêne.

Couple de hulottes en hiver, Bois de Jussy.
Photo Jean-Pierre Landenberg.

La chouette hulotte et son regard scrutateur.


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Strix aluco: au repos au faîte d'un hêtre pleureur, Domaine de Bel-Air, octobre 2007.


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écoutez le chant du mâle puis celui de la femelle répondant au mâle (plus aigu).

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