Le 14 juillet, nous nous déplaçons d'Arusha vers le lac
Manyara où nous ferons une halte dans un camp de tentes au milieu d'une forêt, proche d'une petite ville. Notre premier contact avec ce type de logement est très agréable, manger dehors et écouter les bruits de la forêt, en particulier le
cri surprenant du grand galago Galago crassicaudatus, tout en observant
quelques geckos (Hemidactylus sp.) chasser sous l'éclairage des tentes. Curieusement et malgré la proximité de l'eau, nous
n'avons pas été trop importunés par les moustiques. Lors de mes observations nocturnes, je me suis aperçu que l'eau du puits qui alimentait les robinets des tentes
contenait de grenouilles vivantes et des
crapauds morts: il était donc nettement préférable d'être strict en matière d'hygiène, surtout en ce qui concerne le brossage des dents qui doit être fait avec de l'eau en bouteille.
Autour des tentes se trouvaient quelque crapauds communs, Bufo gutturalis.
Le lendemain, nous prenons la route pour le lac Eyasi. Enfin "route" n'est pas tout à fait le terme qui convient car, après une vingtaine de route asphaltée, nous nous engageons sur une piste
défoncée pour trois heures de tout terrain. Juste avant le départ, nous avons vu plusieurs nids de marabouts, Leptoptilos crumeniferus en pleine agglomération; ces oiseaux sont vraiment gigantesques,
peu attractifs au niveau esthétique mais trouve leur place en tant que nettoyeurs de savane, au même titre que les hyènes. Une famille de babouins nous regardera passer, nonchalamment et en train de s'épouiller
sur le bord de la route. En haut de la vallée du rift, la vue sur le lac Manyara est superbe, le temps reste brumeux ce jour jusque vers midi. Après ce périple pénible, durant lequel j'ai pu tout de même photographier des vanneaux couronnés, nous sommes soulagés et très agréablement surpris
de nous retrouver dans un havre de tranquillité, sans grands fauves hormis les hyènes, au bord du lac Eyasi, à Kisima Ngeda tented camp. L'accueil est très chaleureux, le confort est incroyable dans ce lieu perdu.
Mon attention est immédiatement prise par des mouvements reptiliens assez bruyants, dénotant le déplacement d'une masse importante; je découvre mes premiers varans du Nil, Varanus niloticus.
Je fais comme à mon habitude un tour d'inspection de la faune environnante, je découvre des cichlidés (tilapias) dans le bassin d'eau de source, ainsi que plusieurs groupes de singes vervets. u bord du lac se sont les pélicans,
les aigrettes, les vanneaux armés, les spatules et les ibis qui mènent le bal et la
chasse aux petits crustacés. L'eau bouge sur les bords, ce sont des innombrables poissons chats qui
nourrissent la population du village voisin. Mon fils Romain s'est fait un plaisir d'en pêcher quelques uns qui nous ont été servis à table le soir même.
Je donne mes instructions au personnel du camp afin qu'ils m'avertissent si ils voient un serpent ou tout autre animal susceptible de m'intéresser. C'est ainsi qu'au cours d'une repas, on m'appelle pour me montrer un serpent arboricole vert
qui s'avéra être une couleuvre du genre Philothamnus: Philothamnus battersbyi, qui s'enfuit rapidement à notre approche. J'ai eu quelques secondes d'hésitation car elle ressemble de loin
au boomslang. Le soir de notre arrivée, nous sommes sortis nous balader et nous avons pu observer de nombreuses chauves-souris ainsi que des galagos du Sénégal (Galago senegalensis)
évoluant rapidement à la cime des acacias, nous jetant de temps à autres un regard scrutateur. Nous ne nous sommes pas éloignés et nous n'avons guère trainé, des paires d'yeux se
réfléchissaient dans le halo de nos lampes torches et le cri des hyènes se faisait entendre, assez proche. De retour, il fut très agréable de s'installer devant la tente, écouter et écouter encore les cris nocturnes.
Le lendemain 15 juillet, nous avions rendez vous avec quelques membres de la tribu de
Hadzabe qui continuent à chasser à l'arc de manière traditionnelle tout en fumant de la marijuana. Cette ethnie vit uniquement en Tanzanie, elle fait partie des pygmées
chasseurs-cueilleurs et la population avoisine les 1000 personnes. 300 à 400 d'entre eux ne vivent que de la chasse à l'arc dont les flèches sont empoisonnées avec le jus de la pulpe d'une plante.
Ils se déplacent très rapidement, encerclant leur gibier (des singes et des pintades principalement dans cette région). Je n'ai personnellement pas assisté à ce type de chasse, préférant débusquer les nombreux
agames et mabuyas peuplant les massifs rocailleux des environs du lac. La première rencontre avec une vipère heurtante (Bitis arietans) a été celle d'un individu dont la tête avait été écrasée
par un pierre: elle mesurait environ 120 cm, pour un diamètre proche de mon avant bras. J'ai pu observer un magnifique psammophis qui s'était réfugié dans un épineux: j'essayais de l'en déloger de manière précautionneuse,
mais pas pour mes mains... alors que les Hadzabe m'accompagnant ont eu moins de scrupules: quelques cailloux lancés et l'animal s'est rendu au sol, sans mal bien heureusement.
J'ai pu observer des calaos à bec rouge (Tockus erythrorhynchus), des fauconnets d'Afrique (Polihierax semitorquatus), des pintades casquées (Numida meleagris),
un engoulevent (Caprimulgus climacurus) que j'ai repéré car il s'est envolé à mon approche et qui se posait quelques mètres plus loin me laissant m'approcher à 4 mètres maximum, se tapissant au
sol mais ne me quittant jamais du regard... en soulevant sans relâche de nombreuses pierres, j'ai pu trouver quelques cordyles (Cordylus beraduccii), une grande scolopendre, des scorpions jaunes,
et quelques araignées insolite.
En parcourant la rive du lac, des traces d'hippopotames (Hippopotamus amphibius) effectuant des sorties nocturnes pour aller pâturer nous inciteront à la prudence, ces mastodontes ne se gênent pas pour charger. Le
lendemain, nous quitterons les lieux, nous monterons les flancs du cratère du N'gorongoro afin de rejoindre le Serengeti et les lacs de N'dutu. Quelques heures de piste en vue...