Le 20 juillet au matin après un petit-déjeuner à
l'aube fraîche d'Ikoma tented camp, nous quittons ce repère à mouches tsé tsé
pour nous rendre au bord du Lac Victoria, dans la ville de Musoma qui sera notre
port d'embarquement pour nous rendre sur l'île de Lukuba. Ce matin, les
chauffeurs sont dans une forme particulièrement pressée: il y a une heure à
laquelle les bateaux nous attendent et il ne faut surtout pas être en retard.
Ceci donne donc du gros Landcruiser parcourant la piste, parfois défoncée, à des
pointes de 110 Km/h, autant vous dire qu'il vaut mieux fermer les yeux et prier,
soit de ne pas faire des tonneaux, soit de ne tuer personne... Une crevaison par
ci par là calme vite l'inconscience des drivers. La route est longue malgré la
vitesse. Nous traversons le nord du Serengeti, nous rencontrons une fin de
migration de gnous, accompagnée de quelques zèbres. Trois grands calaos terrestres,
Bucorvus cafer,
semblant surgir de nulle part, profitent de la manne d'insectes déplacée par les troupeaux de gnous.
Ces grands oiseaux se déplacent et chassent très souvent au sol. Un peu plus loin et au sortir du parc, c'est un groupe des marabouts
Leptoptilos crumeniferus qui semble attendre quelques
détritus devant une immense propriété.
Ensuite le paysage se vallonne progressivement, il devient aussi plus verdoyant. Les terres se cultivent de plus en plus à l'approche de Musoma,
port du Lac Victoria. Nous sommes assez rassuré d'y être arrivé en bonne santé.
Il y fait une chaleur assez étouffante, chargée d'humidité. La ville,
essentiellement musulmane, est en proie à une intense activité. Nous faisons un
peu de change ans l'arrière boutique d'une épicerie, confiant nos dollars au bon
vouloir du caissier. Peu après, nous nous rendons au port où nous attendent
quelques pilotes d'embarcation. Un bateau pirogue pour les bagages et une sorte
de petite vedette à laquelle il manque quelques gilets de sauvetage. Un moteur
est en panne, la traversée est donc éprouvante pour mes nerfs, moi qui
n'apprécie pas particulièrement le bateau... Nous observons de nombreux
cormorans et aigrettes, plus quelques hérons garde-bœufs qui se posent au milieu
du lac sur des débris végétaux ou sur des jacinthes d'eau, un des fléaux du lac.
La traversée dure environ 50 minutes... 50 minutes à imaginer que cette coquille
de noix pourrait ne pas nous emmener à bon port, et 50 minutes à me demander si
le second moteur ne va pas lâcher ... pour le retour ce sera pareil sauf que le
vent se sera levé, j'aime...
Le lac Victoria, le second plus grand du monde, d'une superficie de 68100 km2, est en
voie d'eutrophisation dont l'introduction de la perche du Nil par l'homme dans
les années 1950 en est
le principal vecteur; la perche du Nil, super prédateur ne servant que les
intérêts commerciaux des occidentaux au détriment du commerce local, a fait subir une énorme régression aux
espèces endémiques strictement végétariennes tels Haplochromis, Oreochromis, cichlidés
algivores nettoyant les roches des algues et autres végétaux. La pollution
que subit le lac par sa population côtière contribue aussi au développement
de micro algues qui se situent juste sous la surface et étouffent le fond,
empêchant la lumière de pénétrer. En bateau, il est possible de voir
l'étendue de cette pollution: juste sous la surface, j'ai pu observer une
sorte de nappe filamenteuse verte. Le lac Victoria est la source du Nil
Blanc. es jacinthes d'eau constituent un autre problème car elles se se
développent à une vitesse non gérable par l'homme et le lac en sera
recouvert d'ici quelques années. Les maladies (bilharziose, cholera, vers
intestinaux, dysenterie, maladies de la peau etc.) touchent la plupart des
personnes travaillant directement en contact avec l'eau du lac. La situation
sanitaire circum lacustre devient alarmante.
L'accueil sur l'île Lukuba est toutefois plus réjouissant: l'accueil humain
d'abord, très agréable et chaleureux, puis l'accueil animal: les milans et le pygargue, Haliaeetus vocifer,
s'en donnent à codeur joie, un couple nichant même au dessus de notre bungalow
nous faisait par de leurs puissantes vocalises dès l'aube.
Cette île est habitée par le personnel de Lukuba Lodge et par deux villages de
pêcheurs, villages de quelques dizaines d'habitants vivants dans des conditions
extrêmement rudimentaires mais possédant une énorme parabole, un billard et une
cahutte vendant des recharges pour téléphones portables! La plupart pêchent et
ne se nourrissent que de ça. Un autre animal, plus discret et néanmoins imposant
de par sa taille est l'emblématique varan du Nil, Varanus niloticus,
dont nous voyons de nombreuses traces sur la plage. Plusieurs gros individus se
baladent autour des bungalows mais fuient à notre vue; seul un jeune a pu être
saisi et il a montré de suite son agressivité potentielle. Ce gros lézard peut
dépasser les deux mètres. Je n'en ai pas rencontré qui dépassaient le mètre cinquante.
Le lodge est également fréquenté par une
bande turbulente de cercopithèques joueurs mais dont il faut se méfier. La nuit
tombée, quelques appels rauques du crapaud guttural, Bufo gutturalis, semblent sortir
de nulle part du bord de l'eau, mais ils sont localisés entre les énormes roches
bordant la plage.
En faisant le tour de l'île il est possible d'observer quantité d'oiseaux:
aigrettes, hérons garde-bœufs, martins pie, martin pêcheur huppé, ombrettes,
ibis sacrés, tisserins, colombiformes. Seul le pygargue ne se laisse pas
approcher et se tapis au fond de son nid si il nous découvre. Un affut en haut
des rochers dominant l'île serait le meilleur moyen de le photographier en toute
quiétude. Quelques couleuvres dont l'inoffensif Lycophidion capensis, un autre serpent
vert observé dans les douches et, semble t'il, de plus gros serpents non venimeux peuplent
l'endroit. Au niveau des lézards, quelques geckos, les indispensables agames, Agama mwanzae et des
mabuyas mènent la danse sur les rochers. Quelques chauves souris non déterminées
égayent de leur vol silencieux nos moments crépusculaires.
Nous passerons deux nuits de repos bien mérité. C'est un très bon endroit pour surprendre les martins pêcheurs, encore faut il avoir une objectif plus puissant que le 50-200mm que j'avais.
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Haliaeetus vocifer, l'aigle pêcheur, nous accueille et nous accompagneras de ses cris toute la journée. |
Le milan noir à bec jaune, Milanus parasitus est très abondant sur l'île. |
Une aigrette garzette, Egretta garzetta eou farouche. |
Le corbeau pie, Corvus albus, un nettoyeur citadin. |
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Et les inévitables... |
...mais photogéniques... |
...le plus souvent ludiques, cercopithèques. |
Varanus niloticus, à peine éclos et plein de mordant! |
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Les varans du Nil adultes sont très craintifs. |
Ces rochers granitiques font penser aux
Seychelles. |
Ils sont le reposoir des cormorans... |
...et le terrain de chasse du mabuya. |
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Surprise nocturne derrière les bungalows, évacuation des eaux = humidité. |
De nombreux crapauds gutturaux, Bufo gutturalis: écoutez leur chant. |
Le héron garde-bœufs, Bubulcus ibis. |
Une aigrette garzette et un ibis sacré. |
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L'ombrette, Scopus umbretta. |
Un jeune serpent renard, Lycophidion capensis... |
...trouvé dans les douches... |
...et tellement inoffensif. |
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Le Martin-pêcheur huppé, Alcedo cristata. |
L'Alcyon pie, Ceryle rudis.... |
...se laisse difficilement approcher. |
Pas comme ce milan, Milvus parasitus. |
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L'agame commun, Agama mwanzae... |
...est omniprésent... |
...mais toujours aussi peu familier. |
Une termitière. |
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Cette chauve-souris se reposait sous le toit. |
Le petit tisserin, Ploceus intermedius... |
...est très commun sur l'île. |
Une tourterelle, Turtur afer. |
Photographies Pierre-Yves Vaucher. |