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Le rouge-gorge, Erithacus rubecula.


La bise souffle fort ce week-end de mi novembre. Un feu dans la cheminée, un bon café chaud, l'odeur du hêtre qui brûle et le crépitement du petit bois incite à la nonchalance. Allongé sur mon canapé, je scrute négligemment la terrasse et sa haie de lauriers amande, son puits recouverts de buveuses d'eau à l'agonie; les feuilles tombées de la vigne vierge et de la glycine forment des tourbillons incessants et vertigineux. De temps à autres, un merle passe, pressé de se mettre à l'abri du froid ou peut-être fuyant son principal prédateur, l'autour des palombes (Accipiter gentilis). Une pie espiègle et néanmoins bavarde (Pica pica) semble narguer cette scène du haut d'un pin en proie aux tourmentes du vent. Plus loin, les roseaux de la mare plient, les grenouilles s'étant tues exceptionnellement cette année en octobre.
Soudain, il me semble apercevoir une feuille différente, au trajet précis, plus ronde et légèrement teintée de rouge, ce qui est normal à cette époque. Étrange....elle fait des petits bonds sur la terrasse puis disparaît. Curieux, je m'approche de la porte fenêtre et j'essaie de repérer l'intrigante intruse. J'aperçois quelques furtifs mouvements dans la haie: serait elle habitée par quelque rongeur diurne? Non, chez nous, ces boulettes de poil sont essentiellement nocturnes. Mon oeil s'habitue doucement à la pénombre du feuillage et des troncs foncés. L'auteur de ce manège est sur le point d'être identifié, il me suffit de patienter car je le repère encore sautant de branche en branche, prenant un temps de pause de quelques secondes avant de, finalement, mettre un pied sur le bord de la pierre à eau, faire plusieurs et rapides révérences. Stupeur, ce ne sont pas un pied mais deux fines pattes d'oiseaux surmontées d'une boule de plume rondelette plastronnée d'orange: j'identifie enfin un rouge-gorge, du nom latin soporifique d'Erithacus rubecula.
Ce joyeux drille, de la famille des Turdidés (merle, grive, rossignol, rouge-queue, traquet, gorge-bleue) s'aventure près de nos habitations en automne où il se fait remarquer au grand bonheur des enfants. En fait, joyeux n'est pas tout à fait le bon terme, c'est de cette manière que nous nous le représentons. Saviez-vous que ce charmant passereau est d'une inconcevable agressivité envers ses congénères? Il est capable de défendre son territoire et d'attaquer l'intrus à coup de bec. Cette solution ne sera adoptée que lorsque l'intimidation, presque toujours suffisante en montrant son plastron et en chantant, aura échoué. Il est donc d'une asociabilité digne d'un humain! Mais bon, il doit y trouver son compte car il fréquente les abords des chaumières seulement à la mauvaise saison, fréquentant les sous bois, les lisières, les haies au printemps et en été. Avec lui, il se montre familier car intéressé: n'avez-vous jamais remarqué que vous étiez épié, suivi par de petits sauts emplumés lorsque vous ramassiez les feuilles mortes? Rassurez-vous, ce n'était qu'un rouge-gorge intéressé par les insectes découverts avec votre râteau! Il faut dire que vous représentez à ce moment une manne appréciable car il se nourrit d'insectes, papillons, chenilles, perce-oreilles, fourmis, araignées, vers de terre, mais également de baies et fruits rouges.
Son chant très modulé et harmonieux ressemble à un "tictictic, tsîh, tsit, tsiiit..." que l'oiseau émet durant presque toute l'année pour séduire sa belle et défendre son territoire. Je l'ai souvent entendu lors de mes ballades en forêt, à l'automne en particulier. Sa saison de nidification débute en avril pour se terminer en août, il peut donner plusieurs pontes de cinq à six oeufs. La femelle construit son nid un peu où cela la chante même si elle ne chante pas! Déchantons donc et examinons où ce farfadet loge sa progéniture: trous d'arbre, nichoirs, boîtes aux lettres, parmi les buissons denses et les plantes de maison, les pots de fleurs, bref n'importe où il trouve l'opportunité. Les prédateurs qui le guettent durant la dizaine d'années qu'il a à vivre sont bien évidemment le chat, les fouines et les oiseaux prédateurs quand ce n'est pas les baies vitrées des maisons, s'assommant en croyant trouver refuge dans leur salon.
Le rouge-gorge est un migrateur partiel: certains individus quittent nos régions pour s'en aller vers le sud, alors que d'autres viennent des pays nordiques passer l'hiver chez nous: si ça se trouve, celui que vous verrez dans votre jardin sera un amateur de vodka ou d'aquavit! Alors modérez votre générosité et n'offrez lui que quelques boules de graisses pour mésanges lors des hivers très rigoureux, car il est tout à fait capable de se nourrir en saison froide.


rouge gorge rouge gorge rouge gorge
Erithacus rubecula,
photo Guy Bourderionnet.

rouge gorge,
photo Paul-René Meffre.

complément hivernal,
photo Paul-René Meffre.

rouge gorge en hiver   RG5.jpg
Erithacus rubecula,
photo Marie-Lise Robert.
  Erithacus rubecula, Sionnet, janvier 2008,
photo Jean-Paul Bovey.

Écoutez son chant.

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