Il y a quelques années, je peinais à m'endormir
par une belle soirée d'été dans un petit village de l'Italie centrale, près de
Florence. Avec la chaleur torride, quelque chose de supplémentaire parvenait à
mes oreilles: il s'agissait d'un couinement agrémenté par quelques grognements
dont j'ignorais la source animale, car il s'agissait bien d'un animal. J'avais
des doutes, mais mon impression était portée sur un rongeur quelconque,
arboricole de surcroît, car le vacarme provenait d'un noyer proche de la fenêtre
de la chambre à coucher.
Je pris alors mon courage à deux mains, me levai, pris ma torche et allai inspecter les branches
de cet arbre. J'entr'aperçus alors une silhouette qui se cacha derrière une
branche pour finir, curiosité oblige, par montrer le bout de son museau et deux
magnifiques yeux noirs, tout ronds comme des myrtilles. De belles oreilles
ornaient le dessus de son crâne, les couinements cessèrent aussitôt.
Je reconnus le loir, dont l'amusant nom scientifique, Glis glis, en surprendra plus d'un!
C'était la première fois que j'avais la chance d'admirer ce funambule forestier,
rapide quand il le veut, habillé d'un délicat pelage gris orné de blanc sur la
face ventrale. Il disparut en un clin d'oeil pour aller chercher nourriture et
compagne hors de ma présence, timide il est.
Le loir est le plus grand rongeur de la famille des Gliridae, qui comprend également le lérot avec son beau masque noir,
le lérotin, et le muscardin. Il fréquente les forêts de feuillus, le maquis, les
vergers, mais évite les conifères. Il possède une longue queue touffue qui lui
sert à équilibrer ses péripéties quasi aériennes. Il est plus petit que
l'écureuil auquel il ressemble de loin. Son habitat comprend la plaine, mais il se
rencontre plus fréquemment à moyenne altitude, et peut occasionnellement monter
jusqu'à 1500 mètres.
Et si nous parlions de ses moeurs? Ce rongeur construit un nid d'été souvent
installé dans la partie haute des arbres, sur une fourche ou dans le creux d'un
tronc. L'hiver venu, et après s'être engraissé de diverses graines, de noisettes
et de noix, de glands, de châtaignes, de baies et de fruits, il façonne un nouveau domicile situé généralement plus bas, voire
même dans le sol ou squattant un nichoir pour oiseaux; je ne vous cache pas que
les granges, les greniers ou tout autre habitat humain plus agréable que la
rigueur du froid hivernal fait son affaire pour la période d'hibernation qui
s'étend d'octobre à avril, dès que la température avoisine les 14°. Il hiberne
en famille, tombe dans une totale léthargie, la graisse accumulée et son rythme
biologique très ralenti lui permet de survivre durant les 7-8 mois que peut
durer son sommeil. Celui-ci est parfois ponctué de réveils où il fait alors un
brin de toilette, grignote quelque réserve puis se rendort. Ils dorment en
famille et la durée est une des plus longues chez les animaux de nos régions,
d'où l'expression "dormir comme un loir".
Le loir est essentiellement nocturne, se réveille une à deux heures après la
tombée du jour pour aller quérir la sainte nourriture. Sa vision, son audition
et son flair sont parfaitement adaptés à la vie de noctambule, aidé de ses
moustaches nommées vibrisses qui le renseignent sur les objets ou obstacles
rencontrés. Petite subtilité de la nature: elle l'a dotée de coussinets sur la
face inférieure de ses pattes sécrétant une substance collante; pour lui,
impossible n'est donc pas français, ni européen d'ailleurs car son territoire
couvre l'ensemble de l'Europe centrale, de l'Est et du Sud, à l'exception de
l'Espagne, des régions côtières de la mer du Nord et de la Baltique.
Ce petit brigand arboricole fait une portée par an qui comprend entre quatre
et six petits en moyenne, qui seront matures après neufs mois, c'est-à-dire au
printemps de l'année suivante. La période de reproduction s'étend de mai à
juillet, le mâle émet alors des sifflements en quête de sa compagne. Celle-ci
aura fort à faire car notre macho de service s'en ira vite trouver une autre
partenaire: elle façonnera un nid douillet fait de débris végétaux de toutes
sortes. Parfois, son partenaire la rejoint un bref moment afin de toiletter sa
progéniture, et que madame puisse sortir se nourrir.
Le loir possède un répertoire vocal très varié composé de grognements,
sifflements, gazouillis, toussotements qui font de lui un bavard insatiable. Son
espérance de vie avoisine la petite dizaine d'année si elle n'est pas abrégée
par l'un de ses nombreux prédateurs que sont les martres, les belettes et les
hermines pour les mustélidés, les renards, les chats, les rapaces nocturnes et
bien évidemment.....l'homme! Alors, si vous avez la chance que ce délicat coquet
(il passe beaucoup de temps à faire sa toilette) apprécie les fins fonds de
votre domicile, plutôt que de l'exterminer, attendez patiemment le printemps
pour boucher les orifices par lesquels il pourrait s'introduire.
Écoutez mon cri!
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Glis glis, loirs en forêt domaniale de Die (Drôme),
curieux, acrobates et familiaux pour ne pas dire familiers! Photos Guy Bourderionnet. |