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Alerte au virus pour la grenouille rousse, Rana temporaria, en Angleterre

et

effets d'un herbicide, l'atrazine, sur la physiologie des batraciens.

La grenouille rousse (Rana temporaria) est-elle menacée par une épidémie?

En Angleterre, la grenouille rousse est visiblement frappée par une maladie susceptible d’avoir été importée avec des poissons rouges originaires de États-Unis. Des populations entières de l’espèce ont été décimées aux alentours de Londres et dans le Sud-est du pays. Les grenouilles présentent différents symptômes allant de verrues cutanées à la perte complète de membres. 3500 cas ont été identifiés tandis que le nombre de victimes est estimé à 62000 individus. La maladie est apparue dans les années 90 et elle s’est largement répandue depuis lors. Tom Langton, président du Froglife Trust, a essayé, en collaboration avec Andrew Cunningham et Peter Bennett de l’Institute of Zoology du Regent Park (zoo de Londres), de déterminer la cause de l’épidémie. Les soupçons se portent sur un virus (famille des Iridoviridae) découvert sur des batraciens en Amérique du Nord et qui aurait apparemment gagné l’Angleterre via des poissons rouges d’élevage lâchés dans des étangs du pays. Des grenouilles contaminées ont été découvertes en même temps que ces poissons dans des biotopes de jardins. Mais ce virus touche aussi la grenouille taureau nord-américaine, Rana catesbeiana, vendue en Angleterre comme animal de compagnie dans les années 80. L’épidémie peut être d’autant plus propagée par les poissons rouges que les grenouilles taureaux sont considérées comme nuisibles par les éleveurs de poissons qui les tirent. Les restes de grenouilles sont alors mangés par les poissons qui sont ensuite exportés. Le virus semble aussi frapper les reptiles, et le soucis demeure de voir d’autres espèces indigènes atteintes à leur tour. Le phénomène est aussi complexifié par la découverte de fortes concentrations de cuivre dans le foie des batraciens morts. Le cuivre est supposé affaiblir les défenses immunitaires et augmenter ainsi le risque de contamination par ce virus. Ce cuivre peut provenir de granulés anti-limaces colorés en bleu pour dissuader les oiseaux de les ingérer. La prédation des gastéropodes ayant eux-mêmes consommés ces granulés pourrait expliquer ce teneurs en cuivre élevées, retrouvées chez les amphibiens.

Voir la page des anoures de Genève et la disparition de Bufo periglenes.

grenouille rousse rana catesbeiana
Rana temporaria, © Frank Deschandol Rana temporaria , © Frank Deschandol Lithobates catesbeianus, © Frank Deschandol

Action de l’atrazine sur les amphibiens:

Une étude américaine (Nature, Vol. 416, avril 2002) a montré que l’atrazine, même en très faible concentration (0,1 ppb) engendre des troubles du développement et une réduction de la fertilité chez la grenouille africaine du genre Xenopus laevis. L’atrazine est un herbicide couramment utilisé en Suisse jusque dans les années 80, notamment pour la culture du maïs et l’entretien des voies ferrées. Elle a été interdite il y a plus de dix ans car elle était très faiblement biodégradable et s’accumulait dans l’eau potable. Elle est encore décelable en faible concentration. L’action combinée de l’atrazine et d’autres substances peut être une cause du déclin inexpliqué des amphibiens et d’autres groupes animaux dans le paysage cultivé. Un des désherbants les plus utilisés au monde transforme les grenouilles mâles en hermaphrodites. Cela peut être une des nombreuses explications du déclin généralisé des amphibiens décrit par Tyrone Hayes, de l’Université de Berkeley, dans la revue "Proceedings" de l’académie américaine des sciences. L’atrazine est interdite depuis dix ans en Allemagne mais elle reste, avec ses dérivés, un des herbicides le plus fréquemment décelé dans les eaux souterraines, selon un rapport du ministère fédéral de l’environnement. Les chercheurs en concluent que les chances de reproduction de ces individus sont affaiblies. La substance provoque encore une diminution de l’hormone mâle, la testostérone, atteignant 90%. Des vérifications vont être effectuées sur le rôle éventuel de l’atrazine dans la régression des populations d’amphibiens.
L’atrazine est toujours produite et utilisée sur la planète!

Article du Center for Biological Diversity, novembre 2020

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