Mes premières expéditions dans les Hautes-Pyrénées remontent à 1989 (septembre) et 1990 (avril et juin). Avril ne fut pas favorable car il neigeait jusqu'à 800 mètres, par contre celles de septembre 89 et juin 90 furent couronnées de succès grâce à l'abondance de pluie ou d'orages (160 individus observés en 1h30 sur une surface d'environ 12000m2 en juin). J'y suis retourné encore en septembre 1990 puis encore une fois quelques années plus tard. Cette année 2006, j'ai décidé d'y retourner afin d'immortaliser ces somptueuses salamandres et également pour rechercher d'autres éléments de l'herpétofaune. J'ai choisi donc une semaine, du 21 au 27 mai, après la pleine lune (défavorable car souvent le temps est frais et le ciel dégagé) mais en arrivant là-bas, j'ai été surpris des températures fraîches pour la saison; le mardi soir vers minuit, il ne faisait plus que 3° à 1200 mètres, mais il avait abondamment plu la journée et j'ai pu tout de même observer une soixantaine d'exemplaires de nuit; le reste de la semaine a été légèrement venteux (nord-ouest) et plus chaud. La journée, je les ai cherché sous les pierres, les troncs pourris et surtout, je me suis baladé parmi ces magnifiques prairies en fleurs souvent parsemées d'orchis. J'ai fureté dans les ruisseaux entre 1200 et 1700 mètres à la recherche des larves mais aussi à la recherche de l'Euprocte des Pyrénées (Calotriton asper) que je n'ai malheureusement pas trouvé.
nom scientifique: Salamandra salamandra ssp: fastuosa, Schreiber 1912, Salamandridae, Urodela.
nom courant: salamandre tachetée, salamandre terrestre, salamandre de feu.
terra typica: Bilbao, nord de l'Espagne.
diagnose: sous-espèce de petite taille (~15cm) et élancée, présentant un museau plus arrondi que l'espèce nominale, une queue relativement longue mais basse, des doigts longs, des parotoïdes petites. La coloration est
essentiellement lignée, le jaune pouvant envahir la plupart du corps. Le ventre est assez largement maculé de jaune. Seule la ligne vertébrale conserve plus ou moins une portion de noir, parfois même fragmentée.
répartition géographique: la limite Est de son aire de répartition se situe dans les Pyrénées centrales (Haute Vallée de la Garonne, Val d'Aran, Gasser 1975). A l'Ouest, elle longe la cordillère Cantabrique jusqu'aux Asturies où elle est remplacée par Salamandra salamandra bernardezi, (Gasser 1975). La limite nord peut se situer sur une ligne comprenant les villes de Bayonne, Lourdes, Bagnères-de-Bigorre, Lannemezan; au delà, on ne rencontre que la sous espèce terrestris.
En ce qui concerne la limite sud-pyrénéenne et les frontières communes avec Salamandra salamandra bejarae, nous manquons de précisions quant à l'exactitude des données. Salamandra salamandra fastuosa ne doit guère dépasser, sur le versant espagnol des Pyrénées, une ligne incluant les villes de Pamplona, Jaca, Boltana et Benasque.
distribution dans les Hautes-Pyrénées: Salamandra salamandra fastuosa est présente un peu partout dans le piémont pyrénéen à partir de 550 mètres (Bagnères-de-Bigorre). Elle peut s'élever jusqu'à 2350m dans la réserve de Néouvielle (Breuil, communication personnelle). Le village de Mauvezin présente une station limite où les caractéristiques de fastuosa se mélangent avec celles de terrestris.
Je l'ai personnellement observée jusqu'à 1700m près du lac d'Ourrec au fond de la Vallée de Lesponne. Cette sous-espèce est particulièrement abondante entre 900 et 1300m.
biotope: le biotope privilégié est la forêt de hêtres ou mixte (conifères et hêtres), toujours à proximité et de part et d'autres d'un ruisseau qui sert de lieu de ponte et ce, dans un rayon de 100 mètres. On peut trouver d'autres populations, mais de moindre effectif, dans les
zones de pâturage et les anciennes carrières d'ardoise (versant ouest du Pic de Labassère).
mœurs: comme les autres Salamandridae elle est principalement
nocturne et sort par temps doux et pluvieux. Les températures peuvent
toutefois être assez basses: 5-6° si l'humidité est suffisante. Les sorties
massives se font généralement en juin et en septembre-octobre, avec une
température de 12° et plus. Je l'ai également observée le matin, durant de
fortes pluies qui ont suivi une période de sécheresse (septembre 1989).
Elle est également exclusivement terrestre et ne se rend à l'eau que pour déposer ses larves. Ce n'est pas une bonne nageuse et le risque de noyade existe.
dimorphisme: il est aisément identifiable comme le montre les photos ci-dessous: le mâle a un cloaque proéminent.
nourriture: elle se nourrit principalement de vers de terre dont elle suit les sorties de fin de printemps et d'automne. Les limaces, les coléoptères, les orthoptères et autres insectes rampants font partie intégrante de son menu.
reproduction: elle a lieu principalement entre avril et octobre, dès que les conditions climatiques s'y
prêtent. Après une rapide (au rythme d'une salamandre bien sûr) poursuite, le mâle passe sous la femelle (ici un couple de terrestris), l'accroche de ses pattes avant au niveau des aisselles afin de la maintenir durant l'émission du spermatophore (capsule gélatineuse contenant les spermatozoïdes)
que la femelle récoltera avec son cloaque. A noter également qu'elle possède un
organe nommé "spermathèque" qui garde les spermatozoïdes vivant durant 3 ans. Salamandra salamandra fastuosa possède un cycle biennal dans les stations d'altitude (vers 1000 mètres) et une tendance nette à la viviparité (petit nombre de jeunes naissant tout formé et évitant le stade aquatique). Les femelles sont
parturientes vers la fin avril et jusqu'en juin. Le stade aquatique des larves,
quand il a lieu, est réduit chez cette sous-espèce (2 mois ?).
particularités: en dehors de sa coloration remarquable, c'est son cycle reproducteur qui caractérise cette salamandre. Il est en principe annuel avec une phase larvaire aquatique de trois à quatre mois chez les autres sous-espèces françaises, mais, chez S. s. fastuosa, il est biennal avec une tendance marquée pour la viviparité (en 1989, j'ai pu observer une femelle avec 5 petits entièrement métamorphosés). Le développement intra-utérin est proche de celui de Salamandra atra dans la mesure où un petit nombre de larve (entre 5 et 8) se nourriront in utero des embryons abortifs et se développeront entièrement dans l'utérus. Lorsque le stade aquatique des larves se produit, il est généralement bref (2 mois) car les larves naissent avec des branchies déjà atrophiées et une coloration proche de la métamorphose.
Il semble toutefois que ce soit un caractère mal stabilisé, en rapport avec les conditions climatiques
(?) et le développement génétique de cette sous-espèce dont les populations sont relativement isolées. D'après Gasser (1975), seul 40% des femelles de Bagnères-de-Bigorre tendent à réaliser un cycle annuel par une reprise de la vitellogénèse dès la première année. Bagnères-de-Bigorre (640 mètres) ne possède pas un climat rigoureux et pourtant la tendance au cycle biennal est présente...J'ai observé des larves très développées et de petite taille (photo de gauche ci-dessous) qui tendent à montrer un développement utérin avancé et ce, à 1000 mètres dans le bois de Mourgoueilh. J'ai également observé des larves à 1700 mètres (près du lac d'Ourrec) dont le stade larvaire avait plutôt les caractéristiques d'un cycle annuel normal: branchies très développées, queue adaptée à la nage. Les femelles de Salamandra salamandra fastuosa peuvent également mettre bas des jeunes à différents stades de développement.