Le mois d'avril est le mois d'excellence pour l'observation de la sortie d'hiver et de la reproduction de nombreuses espèces de
reptiles et batraciens, ainsi que les oiseaux, les insectes etc. Le Maroc a bénéficié cet hiver de pluies abondantes, parfois catastrophiques alors que la sécheresse sévissait depuis une petite quinzaine d'années.
Un évènement El-Niño est apparu au pacifique et l'hiver 2007 a été sec mais le phénomène s'est inversé et a donné lieu à une baisse des températures sur le pays ainsi que des pluies
exceptionnelles. Les environs de Marrakech sont aussi verts, voire plus même, que nos prés au mois de juin. Les fleurs sauvages embellissent les cultures, toute la végétation semble avoir explosé après des
années de latence. Les plaines pentues entre Marrakech et les contreforts de l'Atlas ressemblent à des bouquets de fleurs, tout y est tendre et verdoyant, le figuiers sont en plein feuillage, les figuiers
de barbarie sont eux, bien dodus.
Les oiseaux s'en donnent à coeur joie, les chants les plus remarquables sont ceux de la fauvette et du rossignol. Les insectes sont en éveil, les arachnides également, la prudence s'impose lorsque je soulève
des pierres, car je me retrouve parfois face et de petits nids de guêpes et surtout face au potentiellement dangereux scorpion noir, l'Androctonus mauritanicus, dont le venin neurotoxique est au grade 5
dans une échelle allant de 0-5! Certes il ne peut injecter suffisamment de venin pour tuer un adulte en bonne santé, il reste dangereux pour les enfants, les personnes affaiblies, allergiques ou les personnes âgées.
La plupart des victimes de piqures de scorpion ont moins de 15 ans, se font piquer les soir après 21h aux mois de juin, juillet et août.
Voilà, la tonalité est donnée pour ces petites excursions au sud de Marrakech, la première en basse vallée de l'Ourika, à environ 30 km de la ville rouge, la seconde, à 50 km sur la route de Ouarzazate
la vallée de Taghdouine, ou vallée de l'oued Zat. L'oued Zat et Ourika étaient en pleine eau. Kenza et moi nous arrêtons en premier à l'Ourika, nous garons la voiture et longeons le cours d'eau sur plusieurs
centaines de mètres. Le temps est doux (environ 26°), peu venteux, mais un fond frais persiste, Aucun lézard ne pinte son museau, aucun chant de batracien. Je commence mon travail "d'excavation" et je soulève les pierres
qui me paraissent les plus propices (celles sous lesquelles il y a un espace, un trou, une possibilité qu'elle serve de refuge. La difficulté ici c'est qu'il n'y a pas de pierres plus ou moins plates, toutes
sont sphériques et souvent bien enfoncées au sol. Il s'agit donc de sélectionner des tas de pierres, petits ou grands. Le premier, me gratifie
d'un mâle de crapaud berbère Bufo mauritanicus, certes pas très
original mais c'est un animal agréable à regarder. J'en profite pour faire
découvrir à Kenza l'odeur aillée de ses sécrétions défensives. Plus loin, j'ai
l'agréable surprise de trouver une couleuvre à capuchon juvénile,
Macroprotodon cucullatus brevis, espèce que je n'avais auparavant jamais
rencontrée: elle est présente en Espagne, au Portugal, à Lampedusa (Italie) et
en Afrique du nord. Cette espèce est complètement inoffensive, timide, elle
possède une dentition opistoglyphe, ce qui signifie que les crochets à venin
sont placés très en arrière de la mâchoire et inoffensif pour l'homme. Cette
espèce ne se nourrit que d'insectes et de lézards, elle atteint juste 60 cm.
Plus
loin ce sont deux Agama bibroni que je trouve aussi sous des
pierres, ils sont vigoureux malgré le temps. Un gros iule pour pimenter la
journée, plusieurs Androctonus mauritanicus
et la surprise finale fut un magnifique Eumeces (Novoeumeces) algeriensis,
beaucoup plus gros que celui trouvé à Agadir en septembre 2008. Il se débâtit
vigoureusement, cherchant à mordre (attention ses mâchoires sont prévues pour
briser la coquille des escargots dont il se nourrit) et, après quelques minutes
de manipulation, il se fit tout à fait calme. Le biotope dans lequel je l'ai
trouvé est certes près d'une rivière, donc un peu limoneux, mais pas si meuble
que cela, sauf dans les cultures. Rapidement quelques berbères sortis d'on ne
sait où vinrent regarder ce que nous cherchions. En fin de promenade, Kenza
réussit à prendre en photo un merle et une pie-grièche méridionale, Lanius
meridionalis dont la présence inquiétait de petits passereaux qui devaient veiller sur leur nid.
La promenade suivante s'est donc faite le long de l'oued Zat, en vallée de Tighdouine: ce village qui marque
le bout de la route de la vallée du Zat est connu pour ses 7 sources dont une finement acide et gazeuse,
un vrai délice. J'en ai bu un litre et demi ! Cette vallée est plus encaissée
que celle de l'Ourika, le lit de l'oued, fractionné en plusieurs cours d'eau à
cet endroit, est tapissée de nombreuses pierres et de lauriers. Kenza et moi
franchissons une passerelle afin d'atteindre l'autre rive, plus propice d'accès
et de biotope. J'ai pu observer quelques Acanthodactylus non
identifiés, plusieurs crapauds berbères morts à l'entrée de leur terrier
(noyade, batrachochytrium?), de nombreux Androctonus, une jeune
couleuvre de Montpellier, Malpolon monspessulanus, une jeune
couleuvre vipérine en pré mue (ce qui rend les yeux opaques), Natrix maura.
De
nombreuses tortues d'eau Mauremys leprosa fuyaient à notre
approche, une seule était perdue au bord de la route! Les chants de
Rana saharica, Bufo mauritanicus, et Hyla
meridionalis commençaient timidement. Pendant que je soulevais les
pierres, Kenza était plus intéressée de photographier les tortues ou les oiseaux
dont une élégante Egretta garzetta! J'ai aperçu quelques biotopes
favorables à la grosse vipère d'Afrique du nord, Macrovipera mauritanica
que je reviendrai chercher, prudemment, lors d'un prochain séjour, prudence de
rigueur, ce serpent est dangereux.