Fin août 2008,
une petite excursion dans la région d'Agadir, la vallée de Souss et Taroudant s'imposait. Les 250 kilomètres qui séparent Marrakech d'Agadir sont franchis à allure prudente et raisonnable (attention les camions
et les conducteurs sont dangereux); il faut entre 4 et 5 heures de route en comptant une petite halte. Nous traversons des paysages vallonné et arides. Le Maroc et plus particulièrement le sud, est en proie à une sécheresse
et donc un processus de désertification lent. Je me souviens de cette région en 1975, elle me semblait nettement plus verdoyante, en particulier la vallée de Souss. Le déficit pluviométrique devient dramatique: de 1973 à 2001,
le pays n'a connu que 4 années dites pluvieuses. Les forages se font de plus en plus profond, l'eau est régulièrement gaspillée, l'élevage extensif et le surpâturage en ovins favorise le processus d'érosion et de désertification.
Les cèdres meurent, les arganiers (Aragania spinosa) se raréfient alors que c'est la seule région au monde où il poussent. Cet arbre endémique et inscrit au patrimoine mondial de l'humanité forme des forêts naturellement
clairsemées pour laisser place à son système racinaire très développé et adapté à capter une humidité rare; la moitié des arganiers que j'ai vu avaient perdu leur feuillage: il s'agit d'une méthode de protection
de la plante face à la sécheresse, elle se met ainsi en veille durant plusieurs mois voire plusieurs années, mais jusqu'à quand ?
L'arganier pousse fréquemment en compagnie d'Euphorbia echinus, sorte de cactus à croissance très lente.
La région du sud d'Agadir est très intéressante au niveau de sa faune. Le Parc National Souss-Massa (du nom des deux principaux oueds) abrite la dernière colonie d'Ibis chauve au monde (Geronticus eremita)
ainsi que plusieurs espèces d'antilopes et de gazelles en voie d'acclimatation, la genette, le porc épic etc. Ce parc national fait malheureusement l'objet d'une gestion pour le moins discutable, nous avons
pu voir une décharge à ciel ouvert près d'un village côtier à l'embouchure de l'oued Massa. Certes quelques ibis chauves s'y ravitaillaient mais le spectacle des déchets et des plastics, sans compter l'odeur
pestilentielle était désolant pour un endroit protégé.
Au niveau herpétologique, cette région est la porte d'accès aux espèces tropicales relictuelles telle la vipère heurtante (Bitis arietans), le serpent mangeur d'oeufs (Dasypeltis scabra) et
la couleuvre commune d'Afrique, (Lamprophis fulginosus). Ces trois espèces peuvent se rencontrer au sud d'Agadir et dans la vallée de Souss, mais cela reste un évènement exceptionnel.
Les plaines côtières à Euphorbia echinus constituent le biotope du gecko casqué (Tarentola (Geckonia) chazaliae) dont le nord
de l'aire de répartition est aux environs d'Inezgane (sortie sud d'Agadir).
Une première sortie me permet de découvrir des geckos terrestres, Saurodactylus brosseti en soulevant quelques pierres. Quelques scorpions du genre Buthus étaient également présents.
Nous avons croisé un caméléon commun, Chamaeleo cameleon qui traversait la route de Taroudant: le temps de nous arrêter et de lui courir après n'a pas suffit à le sauver, il était déjà écrasé par un motocycliste bienveillant...
Une autre sortie m'aura permis de trouver un couple de tortues grecques, Testudo graeca dont le mâle traversait la route à la poursuite de sa femelle. Un agame, certainement Agama impalearis s'enfuit rapidement... un des seuls que j'aurais croisé.
En cette période, très peu de reptiles ont pu être observés. En mai, il y avait des agames sur chaque cailloux pratiquement, en août, plus rien...
Une demi journée d'excursion dans la région de Tiznit, Souss-Massa aura été sensiblement plus riche. Le terrain est
relativement sablonneux au sud d'Agadir, il y a passablement de pierres et de possibilités de déceler des traces
comme il avait plu la veille. Je trouve une paire de Chalcides mionecton trifasciatus sous une pierre
dont l'un était complètement enfoui dans le sable, ainsi que de nombreux scorpions jaunes, Buthus atlantis. Une course poursuite avec des Acanthodactylus busacki eut un bon succès:
je réussis à capturer un mâle qui s'était réfugié sous une pierre; la pierre doit être soulevée et la main plaquée délicatement sur le lézard de telle manière qu'il n'aie pas le temps de réagir! Et quand sous la pierre suivante, il y a
un splendide scorpion à photographier et que l'acanthodactyle n'est pas encore passé par la séance photo, il ne
me reste plus qu'à le saisir avec mes lèvres, n'ayant pas de matériel sur moi !
La chance m'a sourit lorsque, poussé par mon instinct, je décidai de jeter un
œil dans quelques bassins (abreuvoir) à sec. Tous avaient des trous d'évacuation sauf un: il contenait un splendide
scinque berbère, Eumeces (Novoeumeces) algeriensis qui était tombé dedans et ne
pouvait en ressortir. je m'en saisis immédiatement et nous avons pu commencer la
séance photo, non sans une morsure assez puissante. Ce lézard, d'une taille
respectable à l’âge adulte, mesure environ 30 cm, son corps cylindrique, ses
écailles adaptées et disposées à la manière des poissons, ses pattes courtes,
justifient son mode de vie fouisseur. Sa tête est massive et indistincte du cou;
ses oreilles moyennes, situées juste derrière la mâchoire sont protégées par 3
grandes écailles empêchant le sable d'y pénétrer lorsqu'il s’enfouit. Les
caractères sexuels secondaires sont difficiles à déterminer si on n'a pas les
deux sexes sous les yeux: la coloration est plus terne chez la femelle et la
tête du mâle est plus massive. Ce lézard vit en moyenne une dizaine d'année avec
quelques records de 20 ans.
Le scinque Berbère habite dans des régions où le sol peut être meuble de
préférence, qu'il soit terreux (jardins, cultures) ou sablonneux. Il se réfugiera
sous des pierres ou dans des terriers abandonnés. Il est fréquent de le voir s’enfouir dans le sable
avec aisance. Habitant l'étage subdésertique, ce lézard est capable de supporter des températures
assez élevées. Il recherche toutefois la présence d'une humidité relative et on pourra le rencontrer dans des oasis, les lits d'oueds asséchés,
près des canaux d'irrigation. Il est principalement diurne terrestre, parfois
arboricole, évoluant discrètement dans le substrat, dans la végétation et sous
des abris.
Les Eumeces (Novoeumeces) sont insectivores et carnivores, mais ils mangent également des fruits et des
végétaux. Leurs proies sont très diverses: petits lézards, batraciens, jeunes
micro-mammifères, arachnides, escargots, vers, myriapodes, arthropodes. La
coquille des escargots est aisément brisée par leur mâchoire puissante et leur fournit un apport en calcium important.
Nous nous sommes rendus ensuite au bord du barrage Youssef Ibn Tachfin qui ne contenait pas âme qui vive, hormis un gros Hottentota franzwerneri gentili
sous une pierre; pas une grenouille au bord de l'eau mais trois écureuils terrestres (Atlantoxerus getulus) se courant après. En fin de journée, nous cherchons dans un oued
quelques reptiles et ne trouvons qu'un agame trop rapide et une tarente, Tarentola mauritanica. La journée s'achève avec quelques images de tortues d'eau dans l'oued Massa et les traditionnels
hérons garde-bœufs qui se sont laissé approcher car je m'étais camouflé derrière une barrière de roseaux.
Je reviendrai dans cette région et irai plus au sud, vers Goulimine, Fort Bou-Jerif et Tan-Tan, projet qui me tient à coeur pour 2009.