En août 2008, j'ai avant tout cherché à rencontrer la vipère naine de l'Atlas, espérant surtout que le temps soit plus favorable que lors de notre voyage en mai.
Je suis donc retourné à l'Oukaimeden, station de ski en hiver et pâturages d'été pour les bergers berbères dont le lac situé à 2200 mètres d'altitude abrite une grosse population de Rana saharica (?), de Bufo mauritanicus
et d'Hyla meridionalis. La météo n'était guère plus clémente car il y avait un puissant vent qui me gênait lors des prises de vue au téléobjectif, surtout quand il s'agissait de photographier
le gecko diurne à paupières épineuses, Quedenfeldtia trachyblepharus.
A cette époque, les chants de batraciens se sont tus depuis longtemps, quelques grenouilles coassaient discrètement. Les geckos diurnes se laissaient facilement observer mais à distance respectable, ils prenaient
un bain de soleil sur les rosses roches qui ornent le site, gobaient de temps en temps un insecte à peine visible. Peu de fleurs en août également, la pelouse alpine avait séché, peu de papillons, peu de lézards, peu de scorpions
sous les pierres... Par contre énormément d'orthoptères et deux Chalcides sp. que je n'ai pas réussi à identifier. Il ne s'agissait pas de Chalcides montanus, ces deux seps n'avait
pas la queue orangée et étaient de plus grande taille que le seps montagnard que j'avais observé au printemps.
En observant le gecko à paupières épineuses, j'ai été surpris par son attitude proche de celle des agames, qui consiste à hocher de la tête pour marquer son territoire et sa domination (chez les mâles)
mais ce petit gecko hochait de ton son corps et à plusieurs reprises. Son homochromie le rend difficile à voir, seuls ses mouvements permettent d'y prêter attention. Il fréquente essentiellement les grosses
roches granitiques (?) où il trouve refuge dans les fissures.
Après avoir photographié les geckos diurnes, je suis monté soulever des pierres et regarder de plus près la végétation en coussinet, composée de petits épineux en forme de boule. Cette "promenade" d'un
dénivelé positif d'environ 400 mètres m'a bien pris deux heures. Arrivé à une sorte de col, j'avais une belle vue sur la vallée derrière, aride et peu fréquentée; j'ai longé un moment la crète puis, devant
l'intensité du vent, je suis redescendu me mettre un peu à l'abri. La levée des pierres ne donnait aucun résultat, je descendais progressivement jusqu'au lac. A 300 mètres de celui-ci, j'aperçus
enfin, a l'abri du porte à faux d'une grosse pierre, la vipère tant convoitée qui ne tarda pas à se réfugier dans son trou. Je déposai donc mon matériel photo, mis mes gants de soudeurs et soulevai délicatement
cette pierre qui lui servait d'abri. Je la saisis doucement, et l'installai sur une portion de terrain dégagée pour la séance photo. Elle se mit en position de
défense sans faire mine d'attaquer. Ce n'est
qu'après une dizaine de minutes de manipulation et en essayant de la retenir qu'elle décida de mordre, sans aucune incidence car ses crochets sont beaucoup trop petits pour traverser mes gants.
Je la libérai de suite après en la reposant au pied d'un épineux au sein duquel elle s'est réfugiée
prestement.
La vipère de l'Atlas est donc un serpent endémique au Maroc, qui vit entre 1200 et 3900 mètres d'altitude. Elle fréquente les pierriers et la végétation en coussinets (Hormatophylla spinosa).
Cette espèce est de très petite taille, n'excédant pas le 40 centimètres. Elle est pourvue d'un museau retroussé et d'un dessin assez commun à beaucoup d'espèces du genre. Il existe peu de données éco-ethologiques pour cette espèce.
Elle est inscrite sur la liste rouge de l'UICN du fait de son habitat relativement confiné sur une surface d'à peine 20000 Km2. Sa nourriture doit se composer de petits lézards et d'orthoptères.
Ses prédateurs potentiels, hormis l'homme, peuvent être le lézard ocellé (Timon tangitanus), la coronelle lisse (Coronella girondica) et des faucons.
Dans les environs d'Imlil, très joli village au fond d'une vallée adjacente à celle de l'Ourika, j'ai pu observer une grosse scolopendre, un crapaud berbère, un scorpion noir et surtout une petite mygale
du genre Ischnocolus sp.. Depuis Imlil il est possible de partir en randonnée et il serait intéressant de rechercher Vipera monticola dans son habitat et à une altitude adéquate.
La difficulté majeure est que le terrain est très friable par manque de pelouse d'altitude. La plupart des berbères disent qu'il y a des serpents dans les montagnes, sans toutefois arriver à les décrire
ou à être plus précis. Imlil est situé à 65 km au sud de Marrakech à une altitude de 1740 mètres. Ce village est entouré de noyers et de peupliers, ce qui rend une atmosphère paisible, reposante et fraîche (prévoir
une petite laine les soirées d'été). C'est le point de départ des trekkings en direction du Mont Toubkal (4167 mètres), prévoir un bon entraînement ! L'oued Ifni, qui irrigue le bas de la vallée habrite de nombreux
hérons garde-boeufs peu farouches et donc le vol égaie les airs car les oiseaux, en cette saison, en dehors des hirondelles, se font rares.